Top

Em Oi !!

Un des trucs frappants, quand tu arrives ici, c'est le nombre de boutiques, d'échoppes, d'étals, de trucs improbables sur un bout de trottoir et de fait, tout le monde est potentiellement vendeur de .... de trucs. 

Fruits, légumes, roulements à billes, poignées de porte, tabac ou cotons tige... Surprenant mais très vite, tu te fais au truc : tu ne te gares pas, tu t'arrêtes à peu près là où ça ressemble à n'importe où et tu cries : Em Oi (Prononce 'eh moï') ! Et tu achètes ton paquet de cure-dents, ou ton p’tit dej ou... ce qui te manquait, là, tu vois ? 

Tu as aussi les itinérantes : les femmes à palanches, mais là c'est plus fruits, légumes et autres beignets. Celles à bicyclette, avec une basse cour sur le garde-boue arrière ou une cargaison de boites en polystyrène (oui, oui) ou de fleurs coupées. Les gosses qui cherchent à te fourguer une tablette de chewing-gum au xylitol ou la gamine que je croise tous les matins en attendant le bus, qui boite bas, douloureusement, mais qui garde le sourire, en espérant que je lui achète un éventail... 

Alors du coup, les maisons, faut que je t'explique : c'est à étages ; le rez de chaussée, normalement, c'est la pièce à vivre : meubles quand tu es riche, Tivi (Télé) même quand tu l'es pas et le scooter dans le ci-devant salon, bien entendu. On mange par terre, le rice-cooker au milieu... Mais c'est vrai qu'il y a de plus en plus de tables et de chaises. Hauteur réglementaire : 30 cm. Finalement, c'est mieux par terre. Etage 1, cuisine et au-dessus, les chambres. Ca, c'est le luxe, parce que une fois que t'as viré le scooter et la pipe à eau de monsieur, tu utilises l'espace pour vendre... des trucs. Ou faire à manger pour les autres ou coudre ou - oui - ne te proposer que des œufs de poules - alors que d'autres te vendront des œufs... ben d'oiseaux, voui. Mais pas... d'élevage, hein... 
On te vend des trucs secs ramenés du village. Tu demandes comment c'était, quand c'était encore vivant, les... machins jaunes oranges, là, tu vois ? Ah ? Comme ça, c'était ? Exotique, huhu... 

Payer le loyer d'une boutique, trop cher, alors il te reste dehors ou chez toi... Pour gagner de quoi être digne, propre. Toi et tous les tiens.

Souvent, c'est une seule pièce et la mezzanine, c'est pour s'y entasser à 3,4,5... Juste la place du rice-cooker dans le cercle. 

Un soir, tu t'assois, en attendant qu'elle ait fini de préparer les bánh cuốn, le chat tout maigre que tu dirais un écureuil vient sur tes genoux, le gosse te sourit en te voyant ingurgiter un thé qui décollerait n'importe quel carrelage. 
Et tu sais quoi ? Tu te sens merveilleusement bien. 

Surtout que ça fait un temps que tes notions de salubrité en milieu de restauration sont décédées subitement en voyant une jeune faire la vaisselle sur le trottoir (une seule bassine pour heu... ben… tout...) pendant que sa grande sœur saignait un poulet avec la grâce sadiquement désinvolte de celle qui va en tirer un bon prix. 

Alors voilà, tu es juste bien, à tenter de baragouiner quelques mots de viet pendant que la boutonneuse de service rosit en tentant un ‘hello !’ timidement effronté et que tu essayes de suivre le ballet fascinant de la mère qui étale la pâte des bánh cuốn sur l'osier, houspille son homme endormi (Il vient de tomber de la mezzanine, consécutivement à un tonitruant ‘Anh Oï !’ qui aurait réveillé la libido de Jeanne d'Arc elle-même si elle avait décidé de passer quelques vacances ici au lieu de se prendre une cuite restée célèbre) et elle te demande si tu veux une sauce avec - oui s'il te plaît, tante. 
Elle a un tel sourire que tu oublies qu'elle a un œil qui rince le riz pendant que l'autre trie les herbes. 

Il y a une odeur de gà tần qui flotte dans l’air… (Je te dirai, dans un prochain post culinaire…) 

Et tu sais quoi ? Tu sais que tu es à ta place... Le chat ronronne.




Ces gens sont beaux.

Commentaires

Articles les plus consultés